Le Martin Gropius Bau présente une exposition sur Le Corbusier (jusqu'au 5oct). Elle est la première d’importance sur Le Corbusier depuis plus de 20 ans en Allemagne. On y voit de nombreuses maquettes originales, des reconstructions d’intérieurs, des meubles, des photographies et films d’époque, tapisseries, peintures, sculptures et livres qui rendent compte d’une "synthèse des arts" chez Le Corbusier. Déclinée en trois chapitres: "Contexts", "Privacy and Publicity" et "Built Art", elle constitue une bonne introduction à son travail mais surtout la redécouverte que Berlin possède également sa cité radieuse! Personne ne sait vraiment que cette unité existe, et est à peine mentionnée dans les guides touristiques. Doux Jésus!
Plaçant l'hexagone comme unique lieu de création, naissance et épanouissement d'un concept et d'un moment clef du passage de l'architecture moderne à l'architecture post-moderne : l'unité d'habitation ("Wohneinheiten") de Berlin a souffert! L'immeuble berlinois est tombé dans l'oubli, par la volonté de son auteur, avec distanciation et dédain, avant même sa mise en service. Puis l'effacement est incontestable face au chef-d'œuvre fondateur de Marseille! (à partir duquel les autres unités seraient des reproductions mineures ou les suites amoindries d'un concept ?!?).
Les causes de la dénaturation du projet de Le Corbusier tiennent dans son impossibilité d'agir sur le déroulement des travaux, techniquement d'une part car l'agence française n'est pas responsable du chantier d'exécution, politiquement d'autre part car l'architecte n'a pas de réel appui dans les instances dirigeantes de Berlin.
L'immeuble ouvert à la location en 1958 est dépourvu d'installation sur le toit (soit: la loose), les quelques magasins sont installés au rez-de-chaussée et les logements ne respectent ni les dimensions, ni l'ouverture de l'espace initialement prévu et peu bénéficient de la double orientation.
La vision esthétique est également détournée: la salle des machines, le local des magasins, les meubles ainsi que l'auberge de jeunesse n'ont jamais été dessinés par le Corbusier.
Dernier outrage, bien que posthume: le béton originalement brut, expression de la vision primitiviste de l'auteur est recouvert d'une peinture protectrice.
Démonstration sociale? l'unité d'habitation de Berlin est néanmoins la seule des cinq, destinées, au départ, à un public réellement prolétaire.

