01/04/2010

Tribulations d'un précaire

C’est l’histoire d’un type qui cherche un travail. Après un passage dans l’armée et un diplôme de lettres (pour lequel il s'est allégé de 40 000 dollars), aucune des compétences acquises ne lui servira jamais. Ni pour transporter câbles et cafés lors du tournage d’un film underground, découper des poissons dans un supermarché de luxe, remplir des cuves de fuel ou conduire un camion de déménagement, ni pour les travaux de forçat en Alaska aux côtés de travailleurs immigrés. Au total : quarante-deux emplois dans six États différents au cours des dix dernières années… Pas mal !
Le narrateur, Iain, multiplie les expériences malheureuses et aiguise à chaque fois un peu plus son regard critique sur le monde du travail. Ca pourrait être répétitif, mais il s’en sort par le sarcasme. Il veut croire en la dignité et il s'oblige à penser littérature! Une vision acérée, décalée sur le monde du travail, un brin d’humour noir qui décapent les petits boulots qu’il a été amené à exercer pour survivre.

Le travail n’est pas vu, uniquement comme le lieu des Enfers, il est aussi gentiment coupable de rendre l’homme mauvais: les abus de pouvoir engendrent parfois des révoltes et Iain apprend à voler…
« C’est dimanche matin et j’épluche les offres d’emploi. J’y trouve deux catégories de boulots: ceux pour lesquels je ne suis pas qualifié, et ceux dont je ne veux pas. J’étudie les deux.»

Susciter le rire, c’est là tout l’art de Levison qui à travers des textes courts nous dessine un portrait de l’Amérique au vitriol et sous-anxiolytique, l’Amérique des serial loosers. « D'où viennent les ­riches ? »

Mais la question qui subsiste c’est est-ce que Levison (qui travaille comme menuisier en Caroline du nord) se marre quand il écrit ?
Si écrire c’est comme une thérapie pour lui, mais qu’il n’aille surtout pas faire de séance hebdomadaire à 45Euros. Si ca lui permet de dire toutes les choses auxquelles il pense, montrer toutes les minuscules injustices que les gens doivent tolérer, tous ces sentiments que nous devons réprimer juste pour aller mieux, en ces temps de positivisme massif… Fonce Iain !


Iain Levison, Tribulations d'un précaire, Ed. Liana Levi.