Encore un lecture rapide, très rapide... Plus jeune, j'étais fan de Musset... On a tous nos lectures d'adolescence, Arlène c'était Marguerite Yourcenar, alors que Hélène c'était Camus... On était très classique!
On connait Musset comme le poète amoureux de La Nuit de Mai, comme le créateur des Caprices de Marianne et de Lorenzaccio, comme le prosateur de La Confession d'un enfant du siècle. Il fut aussi un nouvelliste qui faisait les beaux jours - et les beaux numéros - de l'illustre Revue des Deux Mondes. Tous les récits sont parus dans ce périodique entre le 15 août 1837 et le 15 février 1839. On est encore dans la période faste et surtout feconde, de l'existence de Musset, dont l'ardeur créatrice faiblira après 1840.
C'est l'amour qui fournit à Musset la matière de ses récits, toutefois, le ton dominant des nouvelles est au désenchantement.
Dans Emmeline, qualifié de "chef d'oeuvre de la littérature moderne" d'après Balzac, lors de sa parution, on assiste à une représentation de Don Giovanni. L'opéra est intégré à un système intersémiotique triangulaire incluant littérature, théâtre et musique. Toutefois, la simple introduction du Don Giovanni mozartien dans la nouvelle n'est pas une condition suffisante pour en faire une nouvelle version du mythe du séducteur. Et pourtant... c'est bien de séduction qu'il s'agit : le récit n'est autre qu'une métaphore de la séduction des arts!
"Elle ne regardait ni la salle, ni le théâtre; elle éprouvait une impatience irrésistible; Rubini, madame Heinefetter et mademoiselle Sontag chanteaient le trio des Masques, que le public leur fit répéter. Perdue dans sa rêverie, Emmeline écoutait de toute son âme; elle s'aperçut, en revenant à elle, qu'elle avait étendu le bras sur une chaise vide à ses côtés, et qu'elle serrait fortement son mouchoir, à défaut d'une main amie. Elle ne se demanda pas pourquoi M.de Marsan n'était pas là, mais elle se demanda pourquoi elle y était seule, et cette réflexion la troubla."
Alfred de Musset, Oeuvres Complètes, Gallimard.